La preuve d'une donation déguisée

Par cette décision, la Cour de cassation se livre à quelques rappels en matière de preuve d'une donation déguisée. En l'espèce, les parents avaient vendu par acte authentique à l'un de leurs enfants la nue-propriété d'une ferme en 1947, puis l'usufruit en 1949 par un autre acte authentique. Lors du règlement des successions des parents, ses cohéritiers prétendent qu'il a bénéficié d'une donation déguisée dont il doit le rapport. Pour ordonner le rapport à la succession de chacun de ses parents, la cour d'appel retient que « celui-ci, à l'époque âgé de 22 ans, jeune agriculteur tout juste majeur, ne justifie pas de la manière dont il a pu payer le prix d'acquisition de sa ferme, et que l'immédiate antériorité de la vente de biens immobiliers par ses parents, le montant sensiblement égal du prix de ces deux opérations, le fait qu'il ne disposait manifestement pas lui-même de la somme nécessaire à son acquisition et que ses explications quant à l'emprunt qu'il aurait contracté sont inexactes, constituent autant d'indices précis et concordants qui permettent de conclure que le prix de la ferme acquise par Auguste X a bien été payé par ses parents », de sorte que l'existence de la donation déguisée alléguée est démontrée. Cette décision est censurée par la Cour de cassation au visa des art. 1315 et 843 c. civ. (dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006), car « il incombait à ses cohéritiers qui alléguaient l'existence d'une donation déguisée de prouver que les parents de M. Auguste X avaient financé avec une intention libérale l'acquisition par celui-ci du bien litigieux, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés » : (la solution vaut pareillement au regard de l'art. 843 pris dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006). . La solution ne souffre guère la contestation. En vertu de l'art. 1315 c. civ., la charge de la preuve pèse sur le demandeur. Il est en effet fait foi aux apparences. C'est donc à celui qui invoque le déguisement d'en démontrer l'existence. Pour ce faire, il faut prouver deux éléments, matériel et intentionnel, qui sont nécessaires à l'existence d'une libéralité. La preuve de l'élément matériel consiste à établir l'absence de contrepartie, ce qui, eu égard aux éléments de faits relevés par les juges du fond, semblait démontré. La preuve de l'élément intentionnel est celle de l'intention libérale, c'est-à-dire la volonté et la conscience du disposant de s'appauvrir au profit d'autrui. À cet égard, ainsi que le rappelle la Haute juridiction, on ne saurait déduire l'existence de cette intention libérale du seul déséquilibre constaté entre les parties.

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