La Cour de Strasbourg encadre fortement les techniques de « suicide assisté »

Il revient aux autorités nationales d' « adopter des règles complètes et claires, déterminant les circonstances dans lesquelles une personne (...) peut se voir accorder la possibilité d'acquérir une dose létale de médicaments afin de mettre fin à sa vie” (§ 69).
CEDH, 14 mai 2013, n°  67810/10, Gross c/ Suisse

Saisie par une requérante âgée de plus de 80 ans, ne souffrant d’aucune pathologie clinique mais ne voulant plus vieillir davantage, et qui s’était vue refuser la délivrance par les autorités médicales helvétiques d’une dose létale de pentorbital sorbique, la Cour de Strasbourg a précisé encore un peu plus sa jurisprudence en matière de « suicide assisté ». Elle avait déjà indiqué dans son arrêt Haas c/ Suisse du 20 janvier 2011 que l’article 8 de la Convention de 1950 protège « le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de forger librement sa propre volonté à ce propos et d’agir en conséquence » (§ 51), sans pour autant exiger des États qu’ils mettent en place des dispositifs d’aide aux personnes souhaitant mourir.

C’est dans cette perspective que se situe l’arrêt Gross : sans se prononcer sur la légitimité de la demande de la requérante, la Cour condamne la Suisse en raison de l’imprécision du droit national. En effet, si l’article 115 du Code pénal helvétique et la jurisprudence permettent aux médecins de délivrer un médicament mortel à une personne souffrant d’une maladie engageant à court terme son pronostic vital, ils ne règlent pas les autres demandes qui émaneraient de personnes ne se trouvant pas au seuil de la mort (la décision des médecins dans de telles situations étant seulement encadrée par les directives de l'Académie suisse des sciences médicales).

L’incertitude et l’imprécision des règles législatives internes, entraînant une « angoisse considérable » chez la requérante (§ 66), ont ainsi généré une violation de l’article 8 de la Convention.

Actuellement, seuls la Suisse, les Pays-Bas et la Belgique autorisent de telles pratiques de suicide assisté, mais il n’est pas exclu que le droit français évolue un jour en ce sens (même si la majorité des membres du Comité consultatif national d’éthique vient de préciser qu’il ne lui semble « pas souhaitable » de légaliser l’assistance au suicide ; avis n° 121 du 30 juin 2013 p. 2).

Il faudra alors que le législateur fixe de manière très précise les situations concernées et encadre minutieusement les procédures, sous peine d’adopter un dispositif contraire aux exigences conventionnelles.

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