L'interdiction de publier les actes d'une procédure pénale est compatible avec la liberté d'expression

« (...) la cour d'appel (...) ayant justifié au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme, l'ingérence, dans la liberté d'expression, prévue par l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881, a (...) légalement justifié sa décision de condamner les auteurs de cette atteinte ».
Cass. 1re civ., 29 mai 2013, n° 12-19101

Un hebdomadaire a reproduit des extraits d’actes d’une procédure pénale présentant une personne comme ayant abusé de la faiblesse d’une autre en reprenant notamment des extraits d’audition de témoins (V. déjà : Cass. 1re civ., 28 avr. 2011, n° 10-17909 : LEFP, juin 2011). La victime a assigné la société éditrice, le rédacteur des articles et le directeur de la publication en réparation du dommage subi. Elle a fondé son action sur l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881 qui dispose qu’ « il est interdit de publier les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu'ils aient été lus en audience publique et ce, sous peine d'une amende de 3 750 euros ». Les juges du fond considèrent l’action recevable et bien fondée et condamnent in solidum les personnes assignées en réparation du dommage. Elles ont formé un pourvoi en cassation.

Les auteurs du pourvoi estiment d’abord que l’action n’était pas recevable car elle était uniquement fondée sur l’article 38 de la loi du 29 juillet 1881 alors que l’interdiction de publier des éléments de procédure ne peut être poursuivie qu’à la requête du ministère public (art. 47 et 48 de la loi précitée) et, d’autre part, qu’il s’agit d’une infraction d’intérêt général. Ensuite, au fond, les auteurs du pourvoi considèrent que l’interdiction de publier les actes est une ingérence injustifiée à la liberté d’expression (ConvEDH, art. 10), que le fondement juridique adéquat était la protection de la présomption d’innocence (C. civ., art. 9-1) et enfin que la publication était intervenue après le début de l’audience, qui avait fait l’objet de deux renvois, excluant ainsi l’application de l’interdiction précitée.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que l’action de la partie lésée est recevable devant les juridictions civiles (sur le fondement de l’article 4 du Code de procédure pénale, autorisant l’exercice de l’action civile devant les juridictions civiles).

De plus, elle estime que l’interdiction de reproduction des actes d’une procédure pénale est conforme à l’article 10 de la Convention EDH. Pour cela, elle relève que la publication d’extraits de procès-verbaux d’une procédure pénale porte atteinte au droit de toute personne à un procès équitable et à la présomption d’innocence. En conséquence, la condamnation des auteurs de la publication est justifiée.

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