Rapport de dettes à la succession

Pour qu'une dette reconnue soit constitutive d'un avantage indirect rapportable, il convient de rechercher si elle n'était pas prescrite au jour de l'ouverture de la succession du créancier.
Cass. 1re civ., 15 mai 2013, n° 12-11577

Un père est décédé en 1982, son épouse en 2006, laissant leurs sept enfants dont un fils à qui ses frères et sœurs ont demandé le rapport de sommes ayant fait l’objet d’une reconnaissance de dettes et de fermages. Confirmant le jugement de première instance, la cour d’appel a constaté que le fils avait reçu en avancement d’hoirie la somme principale de 213 403 € et dit qu’il en devait le rapport, la prescription extinctive n’ayant commencé à courir qu’au décès du dernier de ses parents.

La Cour de cassation casse l’arrêt sur le fondement des articles 843, 2262 et 2277 du Code civil alors en vigueur. Elle affirme qu’en se déterminant ainsi sur le fondement du rapport des donations, retenant que constituait un avantage indirect rapportable le défaut de paiement des sommes réclamées au titre d’une reconnaissance de dette de 1962 et de fermages de 1966, sans rechercher si ces dettes étaient prescrites au jour de l’ouverture des successions, comme le soutenait le débiteur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Par ailleurs, la cour d’appel a condamné le donataire au rapport au motif qu’il ne rapportait pas la preuve du remboursement de sa dette à l’égard de ses parents ni du paiement des fermages, dont elle a déduit l’existence d’un avantage indirect.

La Cour de cassation reproche aux juges du fond d’avoir renversé la charge de la preuve en considérant au contraire que, au visa de l’article 1315 du Code civil, « il appartenait à ses cohéritiers qui en demandaient le rapport de prouver l’existence au jour de l’ouverture des  successions des dettes envers leurs auteurs dont ils se prévalaient ».

Il y a une grande constante en matière de preuve relative à une obligation : si c’est au débiteur qui se prétend libéré de justifier de son paiement, il appartient d’abord à celui qui se prévaut de l’obligation et en réclame l’exécution, de la prouver (Cass. soc., 12 juin 1981 : Bull. civ. V, n° 548 — Cass. 1er civ., 15 nov. 1989 : Bull. civ. I, n° 349 — Cass. 3civ., 19 juin 2002 : Bull. civ. III, n° 143).

En l’espèce, la dette avait fait l’objet d’une reconnaissance. Elle avait donc bien existé. Encore fallait-il qu’elle existe toujours au jour de l’ouverture des successions, autrement dit qu’elle ne soit pas prescrite à cette date. À défaut, l’avantage résultait de la prescription et non de l’intention libérale. C’est à cette condition majeure que le défaut d’exécution de l’obligation pouvait être constitutif d’un avantage indirect rapportable à la succession des disposants.

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