La contestation de la dette, obstacle à la fraude paulienne

Les époux ayant saisi les juridictions administratives d'une contestation de leur dette fiscale, celle-ci ne pouvait, au moment où la cour d'appel statuait, être considérée comme certaine.
Cass. 1re civ., 16 mai 2013, n° 12-13637

En 2006, trois mois après avoir été avisés d’un contrôle fiscal portant sur les années 2003 et 2004, deux époux ont consenti à leurs sept enfants une donation-partage de la nue-propriété de leur seul bien immobilier. En 2008, ils saisissent le tribunal administratif en contestation des rappels d’impôts reçus. Le trésorier agit alors en inopposabilité de l’acte de donation-partage sur le fondement de l’article 1167 du Code civil. La cour d’appel a cru pouvoir accueillir cette demande, retenant que le fait générateur de la créance fiscale était la date de perception de revenus (années 2003 et 2004), date antérieure à la donation.

La Cour de cassation censure la décision sur le fondement de l’article 1167 du Code civil, au motif que les époux ayant contesté le bien-fondé de leur dette fiscale devant le juge de l’impôt, celle-ci ne pouvait, au moment de la décision, être considérée comme certaine.

L’action paulienne constitue un moyen de sauvegarde du droit de gage général des créanciers contre la fraude du débiteur. L’hypothèse visée est celle où le débiteur tente d’organiser son insolvabilité en distribuant gratuitement ses biens, au moyen notamment d’une donation faite à sa famille, afin d’échapper aux poursuites de ses créanciers. L’action paulienne, dirigée contre le tiers, permet la remise en cause de l’acte frauduleux.

Parmi les conditions relatives à la créance, le créancier doit seulement justifier d’une créance certaine en son principe au jour de l’acte attaqué, même si elle n’est pas encore liquide. Il suffit que le principe de la créance ait existé avant la conclusion dudit acte par le débiteur (Cass. 1re civ., 17 janv. 1984 : D. 1984, 437). Une exception est toutefois admise à ce principe d’antériorité de la créance : c’est ce que l’on appelle la fraude anticipée (Cass. 1re civ., 7 janv. 1982 : Bull. civ. I, n° 4 — Cass. 1re civ., 6 févr. 2008 : Bull. civ. I, n° 35).

Nul doute en l’espèce que le principe de créance existait avant l’acte attaqué car, en matière fiscale, c’est la date de perception des revenus, qu’ils soient déclarés ou non, qui est retenue, le fait générateur de l’impôt étant la perception même des revenus (Cass. 1re civ., 3 oct. 2000, n° 98-17798).

Cependant, la Cour de cassation pose par le présent arrêt une nouvelle condition à l’action paulienne en présence d’une contestation par le débiteur de la prétendue dette fiscale : le litige doit avoir été tranché par le juge fiscal au jour où les juges du fond statuent, afin que la dette fiscale soit certaine à cette date.

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