Mandat de protection future, l'instrument d'anticiper sur l'inaptitude à venir... mais non déjà présente

« En application de l'article 483, 2° du Code civil, le mandat de protection future mis à exécution prend fin par le placement en curatelle de la personne protégée sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure ».
Cass. 1re civ., 29 mai 2013, n° 12-19851

Lionel X souffre d'une altération du sens de la réalité et de troubles du jugement. Le certificat médical circonstancié établi le 30 septembre 2009 a préconisé son placement sous curatelle renforcée. Pourtant, par une ordonnance du 18 mai 2010, le juge des tutelles s’est contenté d’ouvrir une sauvegarde de justice pendant la durée de l'instance, désignant l’association ATI Aquitaine en qualité de mandataire spécial afin qu’elle perçoive les revenus de Lionel X et les gère dans son intérêt.

Dans cet intervalle, Lionel X et son père Henri X ont, le 22 novembre 2010, rédigé sous seing privé un mandat de protection future, le fils instituant son père en qualité de mandataire. Mais ce contrat n’a pas empêché le juge des tutelles de placer Lionel X sous mesure de curatelle renforcée pour une durée de cinq ans. Ceci étant dit, le juge a déchargé l’association tutélaire de son mandat spécial et a désigné Henri X en qualité de curateur de son fils.
La cour d’appel (CA Bordeaux, 23 juin 2011) a rendu un arrêt confirmatif que la Cour de cassation a maintenu. Comment expliquer que la curatelle renforcée prime ici sur le mandat de protection future ?

Si l’altération des facultés mentales n’est pas une condition suffisante pour ouvrir une mesure de protection judiciaire, elle est une condition nécessaire que le juge doit compléter par la conviction que la personne insane n’est pas en état de pourvoir seule à ses intérêts. Or, tel n’est pas le cas, en principe, de l’intéressé qui a su anticiper sur sa future inaptitude en concluant un mandat de protection future. L’article 428 du Code civil oblige le juge à laisser ce contrat produire ses effets si sa mise en œuvre protège suffisamment l’intérêt du mandant.

Le problème en l’espèce ne tenait pas aux circonstances d’un conflit familial (v. déjà Cass. 1er  civ., 12 janv. 2011, n°09-16519 : LEFP mars 2011, n°035) mais au fait que le mandant ne pouvait pas conclure valablement un tel contrat. Sans doute avait-il la capacité juridique pour le faire, mais il n’était pas sain d’esprit comme le prouvait le certificat médical circonstancié.

En somme, même si le juge des tutelles n’est pas le juge de la validité du mandat de protection future, comme c’est le cas au Québec où le tribunal homologue le mandat d’inaptitude depuis la loi du 15 avril 1990, il doit écarter un mandat qui n’est pas l’œuvre d’une réelle anticipation.

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